Voici une lecture – et elles ne sont pas si nombreuses – dont on sort modifié. On a affaire à un texte qui vous empoigne pour ne plus vous lâcher, qui vous infiltre (au sens presque policier du terme), qui vous retourne, vous met à sac et vous essore pour votre plus grand bonheur. (suite)
C'est
un texte si
pur, à ce point
ciselé, qu'il semble taillé à même la mer de glace que la narratrice va
longer. Jeune architecte,
elle embarque,
en effet, aux côtés de trois collègues (deux hommes et une femme) sur
un
voilier qui va frayer aux confins du cercle polaire. Le but de
l'expédition : élaborer
une cité alpine après avoir pratiqué une immersion en milieu glaciaire.
Mais ce qui touche au
dessein
professionnel proprement dit occupe, in fine, assez, peu de place.
L'objet du
texte est d'ailleurs. Il s'agit, pour l'auteur, de saisir, avec un
regard
affûté, d'une précision redoutable, ce qui se joue dans ce huis-clos,
entre les
six personnages confinés, quarante jours durant, en milieu fermé. (suite)
Etrange
opus que ce
premier film
roumain qui se présente à rebrousse-poil et semble presque cumuler à
dessein
les caractéristiques rébarbatives. Filmé en format carré
dans les
deux premières parties et constitué en triptyque, ce long-métrage
s'attache à
observer le délitement d'un couple aux abords de la quarantaine. Chacun
des
deux membres du couple est filmé séparément avant qu'ils ne se
retrouvent dans
la troisième partie. (suite)
En
apparence,
il s'agit d'un
ouvrage intimidant, éventuellement fastidieux, puisqu'il brasse, au
milieu du
vingtième siècle, sur une dizaine d'années, les événements prégnants et
les mutations
sociales qui ont scandé l'histoire du Pérou. Pour autant, on ne
trouve, dans
ce roman rien de didactique. Il se présente d'abord comme une
conversation à
bâtons rompus entre le jeune Santiago Zavalta et l'ancien chauffeur de
son
père, Ambrosio. Ce dialogue constitue
la trame,
le fil rouge de la narration. (suite)
Voici
que , près de
cinq ans
après sa mort, nous parvient un texte de Denis Roche qui se distingue
par sa
force et frappe par sa singularité. Il s'agit de son journal qui couvre
les années
1977 à 1984. Denis Roche est alors
célèbre à
de multiples égards et célébré sous maintes formes (en tant que
photographe
d'avant-garde, écrivain expérimental, éditeur de premier plan...). Pour
autant,
il ne se repose sur aucun laurier mais poursuit inlassablement sa quête
de
dispositifs inédits, d'une langue de pointe, d'images authentiques, le
tout au
fil d'une pensée tranchante qui ne transige sur rien. (suite)
Face
à un tel livre,
qui déborde
de langues, qui déborde la langue, la tentation est grande de demeurer
coi. La stupéfaction le dispute à
l'émerveillement au sortir de cet ouvrage qui est un précipité chimique
innommable, une équation verbale sans équivalent. Le loup est la figure
principielle, archétypale qui file le long du recueil, mais il est
rejoint et
accru par d'autres animaux qui sont autant de prismes ou de prises
possibles
pour accrocher quelque chose des abîmes auxquels se collette
incessamment
Hélène Cixous. (suite)
C'est un texte à faire tourner la tête, une fantaisie littéraire en forme de facétie, une bascule sur balançoire, un tournoiement et piquetage mental qui, véritablement, donne le tournis mais aussi le sourire. Dès l'abord, l'argument est étrange. On est face à deux amis d'enfance qui se retrouvent à l'issue de plusieurs années de séparation. Il s'agit d'Evan Gordonston lequel, après avoir vécu plusieurs années aux Etats-Unis, revient en Angleterre et reprend contact avec sa vieille amie Emily. (suite)
Neuf
nouvelles comme
autant
d'astéroïdes, des météores littéraires. Une écriture comme on n'es
trouve pas.
Pas avec cette rapidité d'exécution, cette précision du trait, cette
économie
de moyens alliée à un sens aigu de la poésie celée dans les choses
triviales. (suite)
Ce
sont des textes
délicatement
soufflés, comme secrètement gonflés à l'hélium et qui, tout de suite,
s'élèvent
au-dessus de la ligne de flottaison. Un léger déraillement
est
inscrit, dès l'origine, dès la mise en bouche, dans ces partitions
mélodieuses,
raffinées, empreintes d'une douce et discrète sensualité. Mais
l'exécution est
si fluide et subtile, qu'on se laisse déporter sans broncher dans ces
territoires qui affleurent à la pointe, très finement dessinée, du réel
familier. (suite)
C'est
un texte conçu
comme le
creuset des métamorphoses. Un brassage incessant de formes, visions et
sensations exacerbées. C'est
une
navigation, minutieuse et hallucinée, entre les figures, les époques,
les
émotions et perceptions mêlées et contraires. C'est une quête,
trépidante,
frénétique, sauvage, éperdue, menée par des esprits secoués et désaxés.
C'est
un texte sous l'empire d'un corps de femme qui conditionne des vies,
façonne
des destins, déporte, transforme et modèle des corps jusqu'à la
difformité, la
tératologie. (suite)
C'est
un texte
parachuté, chu du
ciel, mais sans être annoncé ou amorti, précisément, par aucun
parachute. C'est
un entrelacs et une succession de sensations aiguës, un tissage
minutieux,
point par point, d'un monde dévié, dérivant, mais qui est aussi d'une
précision
presque douloureuse, d'un réalisme saisissant. L'étrangeté est
totale mais elle
n'est en rien vaporeuse ou nébuleuse : au contraire, chaque instant,
chaque
détail sont d'une présence frappante. Et la langue,
insinuante,
suggestive, mais aussi racée, perçante, rend compte, avec une
redoutable
inventivité, de cette corrida miniature. Un récit hanté porté
par une
prose sorcière. (suite)
C'est un petit précis de lutte incantatoire, le chant, non d'une sirène, mais d'une louve, d'une incandescente croisée de l'Absolu. C'est un texte inclassable, proféré avec véhémence, à la croisée du pamphlet, du poème lyrique, du monologue théâtral. Lydie Dattas arpente des territoires minés, fouille des zones névralgiques. En brossant un autoportrait incendiaire, elle s'attaque à la question brûlante du droit de penser accordé aux femmes. Elle s'insurge contre les poncifs et la tradition millénaire qui dénient aux femmes la faculté de voir, comprendre, savoir à hauteur métaphysique, autrement dit à hauteur d'homme. Une parole étrange, on ne peut plus singulière, qui mérite qu'on lui prête attention. (suite)
C'est
un récit qui
semble une
coulée lente, presque somnolente, et qui avance, trompeur, sous des
allures
classiques et les atours d'un style gourmé. Mais c'est en vérité un
sauvage
animal qui cavale à un rythme endiablé. C'est un roman mais
le texte a un
caractère théâtral par sa densité, sa précision, sa force de
percussion. Il y a
unité de lieu : tout se déploie dans ou autour d'un asile psychiatrique
où
couvent, éclosent, se cristallisent de singulières passions. Des
personnages hauts
en couleurs
gravitent autour d'un centre névralgique absent ou pluriel et
changeant. (suite)
Il
y a la mer, un
rade miteux,
une boite de nuit huileuse, une pincée de crapoteux, une mesure de
frauduleux,
une once de crapuleux. Une femme, Sandra, qui officie là-bas depuis
trop
longtemps et semble avoir oublié ce qui motive cette persistance. Il y
a
Samuel, le patron, le tenancier des lieux, présence massive et lasse
mais lame
dans le regard : redoutable alliage. Il y a l'été revenu et avec lui,
Rodolphe
qui fut, vingt ans auparavant, le mari de Sandra, le meilleur ami de
Samuel. (suite)
C'est
un texte qui
désoriente et
ne cesse de surprendre avec éclat tout en dessinant la cartographie
minutieuse
d'une poignante déroute. C'est l'histoire
d'une famille
étreinte par un mal funeste et dont les membres, diversement touchés,
s'efforcent de faire front. C'est une
constellation familiale
soudée par un risque d'éclatement, un risque atomique et constant. Le
récit s'étend sur
une
trentaine d'années et nous donne à voir, non seulement l'évolution des
membres
d'une famille, d'une fratrie, mais aussi les différents visages d'un
mal
chronique pareil à un monstre tentaculaire.(suite)
C'est
un texte
d'allure enlevée,
de facture délicate et qui recèle quantité de trésors. C'est un
entrelacement subtil
entre des destins et des époques. Un feuilletage orfévré. Un récit aux
accents
presque victoriens et surannés par moments mais qui est aussi
résolument
moderne et pétille, un peu à la manière des films de Sofia Coppola,
d'esquilles
et d'éclairs pop. A cette différence près que le caractère vaporeux se
double,
ici, d'une investigation fouillée et d'une étude de moeurs d'une
redoutable
précision. (suite)
Voici
un film,
inspiré d'un
destin réel, poignant, et qui tourne à la corrida intérieure, à
l'errance
mystique. Il s'agit de la fuite
de Zviad
Gamsakhurdia, président géorgien désavoué, condamné à l'exil par un
putsch en
1992. Entouré de quelques indéfectibles, il marche, dans la neige et
dans des
conditions extrêmes. Dans les montagnes glacées, au fil de sa quête
éperdue, il
frappe aux portes, dans l'espoir de gagner des hommes à sa cause et de
grossir
les rangs de ses alliés. (suite)
Les
poèmes de
Constance
Chlore
sont des prières païennes, des chants de haute lutte, des chants
épiques dans
la mesure où ils se font l'écho d'un combat acharné pour élargir le
champ de la
perception, pour mettre en lumière les acuités et souligner les éclats.
Constance Chlore dit
la vie, sa
pulpe, son tranchant, ses entailles et ses entrailles. Elle dit
l'amour, son
passage, ses empreintes éblouies, saignantes, meurtries. (suite)
C'est
un texte lent dans sa lancée horizontale mais
ultrarapide et même supersonique dans ses coupes transversales. Ce
sont des coups de sonde, des ressassements et tournoiements
obsessionnels qui brassent une matière si riche que l'obsession est
sans cesse
transcendée. C'est une approche sans équivalent de la folie ordinaire
et de la
folie extraordinaire. (suite)
C'est
un livre lent,
profond,
ondoyant, qui enveloppe dans la même langue fluide les hommes et les
éléments. C'est un texte fait
de ressacs
heurtés et de longues langues d'écume mousseuse. L'opacité et la
transparence
se le partagent à parts égales. Il est beaucoup
question de la
mer, de ses lois, ses pièges et ses envoûtements. La mer est une basse
continue, une scansion, un thème décliné. Mais le cœur rougeoyant est
ailleurs.
C'est une femme, Maud, une étrangeté absolue, appréhendée à travers des
prismes
successifs et qui résiste à toutes les explications. (suite)
C'est
une
histoire
d'une
simplicité désarmante : une femme revient sur les lieux de sa prime
jeunesse et
retrouve son premier amour. Mais Anne Brécart
déjoue
l'évidence apparente et ouvre, à partir de cet argument étroit, un
champ d'une
profondeur rare. Soit Hannah et Jacob. Ils se sont connus il y a de
cela
quarante ans et se sont aimés, violemment et mal. (suite)
Voici
un étrange
roman de
formation, à la fois classique et marginal, dépaysant et suranné. On se
trouve dans le
sud de
l'Espagne, à Almeria, dans les années 90, mais l'écriture, très
soignée, et les
résonances de certaines pages nous transportent dans une époque
indécidable et
intemporelle. Le narrateur
adolescent vit dans
la fascination de son frère aîné, Rodrigo, dont l'étrangeté, la
brusquerie,
l'aisance apparente et l'opacité qu'il oppose, le magnétise. Il mène
ainsi une
existence
satellisée, mendiant un signe qui pourrait aller dans le sens d'un
possible
pacte scellé, traquant les indices qui pourraient élucider ce frère
indéchiffrable. Dans le même temps,
il s'initie
aux féroces douceurs, aux cruelles voluptés et aux avanies du
pensionnat. (suite)
C'est
un livre qui
déjoue toutes
les attentes, qui se joue des balises, des règles et des codes de
l'exercice
imposé. L'argument qui
préside au texte
est simple : il s'agit d'une femme, encore jeune qui, à la suite d'une
rupture
amoureuse, retourne chez ses parents, se réfugie dans le cadre et le
cocon de
son enfance. C'est aussi un poème
hérissé,
rugueux, hirsute, comme mal taillé de partout. Une curiosité. Une
surprise de
chaque instant. (suite)
C'est
un texte qui
parle de
conquête, de réappropriation, d'affranchissement, mais sur un mode non
pas
guerrier et belliqueux mais poétique et même onirique. C'est l'histoire
de
Philippe qui, au mitan de sa vie, décide brusquement de partir, de
rompre avec
tout ce qui constituait jusqu'alors les fondements et les conditions de
son
existence. Plongé dans un état
quasi létal à
la suite de la mort précoce et accidentelle de ses parents, Philippe a
mené, des
décennies durant, une existence atone, indiscernable, sans saillie ni
aspérité
aucune. Un récit en forme de
fable, semé d'éclats
poétiques et qui se développe au fil d'une langue cristalline,
infiniment
délicate et enveloppante. (suite)
C'est
un livre de
chagrin ouvert.
Il procède d'une peine incompensable puisque l'auteur, ayant vécu un
grand
amour tardif, se voit congédié, à cinquante ans, par la très jeune
femme qui
avait transfiguré sa vie et sans qu'il ne pouvait plus effectuer le
moindre
pas. Eperdu de tristesse,
il se met,
comme on s'alcoolise, à écrire, au fil de ses voyages et humeurs, des
fragments
qui sont à la fois des dérivatifs et des occasions de verbaliser ce qui
l'étreint.Un texte hors normes
qui
déconcerte et captive. (suite)
C'est un texte sur la lancinance. Temporelle, météorologique, affective. La narratrice semble prise dans une boucle temporelle, un cycle obsessionnel, et soumise à des répétitions mortifiantes et mortifères. Elle se trouve, à Vancouver, aux prises avec une situation douloureuse Séparée de sa compagne, M. (désignée par cette seule initiale), elle doit faire face à des difficultés financières, à la précarité qui la menace, mais aussi aux querelles incessantes qui l'opposent à ladite M., sans compter qu'elle doit composer avec le père biologique de son fils. Un texte qui s'égale à une mélodie hypnotique et qui est aussi une quintessence de la tristesse et de la difficulté d'être. (suite)
Ariel
Spiegler
pratique une
poésie de la déroute et du cisaillement. Elle oscille entre l'incisif
et le
tendre, le culotté, le cocasse et le poignant et elle bascule de l'un à
l'autre
sans préavis. Sa poésie peut avoir
des accents
romantiques, élégiaques et rêveurs mais elle peut être, aussi, très
concrète,
crue, mordante, attachée aux détails qui accrochent un regard peu rompu
aux
approches convenues et réductrices. (suite)
C'est
un texte qui
cavale, galope
et file au rythme de la lumière. Celle qui fuse dans l'esprit du
narrateur et
qui est d'une nature étrangère à nos lieux communs.Celui qui raconte,
c'est Fergus,
un garçon qui est aussi une comète. On
l'a placé dans un centre pour adolescents désaxés. Ce
lieu,
nommé
Beauséjour, accueille des esprits singuliers et vibrants,
inassimilables dans
le monde tribal et trivial. Ces âmes trop vives portent sur le monde un
regard
décalé et poétique. (suite)
C'est
un roman en
forme
d'escroquerie charmante, de pierre lunaire ou de douce divagation qui
égare
plaisamment. C'est aussi une énigme et un piège qui crochète par
surprise. C'est une mosaïque
étrangement
agencée, un mobile prismatique et fascinant. Le narrateur est un
écrivain aux
allures nonchalantes, au parler désinvolte, qui navigue entre passé et
présent
et entre les diverses cases, très compartimentées, de sa vie. (suite)
Pauline
Klein est une
facétieuse
et une rouée. Elle s'amuse des codes qu'elle déconstruit et elle
orchestre un
subtil et espiègle roman de désapprentissage. En s'appuyant sur une
scène
fondatrice de son enfance (la perte traumatique d'une boussole offerte
par un
petit garçon aimé), la narratrice conduit son récit au fil d'une
désorientation
qui va s'aggravant. La perte de la boussole causa une crise allergique
contraignant la protagoniste à n'investir, désormais, que des
territoires
familiers et précisément quadrillés. L'inconnu, la surprise,
l'étrangeté sont
proscrits, elle n'appréhende plus du monde qu'un périmètre étroit et
contrôlé. (suite)
On
est heureux de
retrouver
l'écriture buissonnière de Catherine Safonoff, ses voltes et rapines,
ses
trésors de contrebande, sa voix saline, râpeuse, haletée, ses saccades
tour à
tour exaltés ou abattues, ses longues périodes inspirées, azimutées,
son inquiétude
vibrante qui tout imprègne. Le tout est restitué
dans une langue
hirsute, écorchée et avec une élégante et minutieuse précision.Un livre
d'une rare,
d'une totale
humanité. (suite)
C'est
une langue
chargée
d'histoire et de sensations brutes que celle qui anime "Gestuaire"
recueil de Sylvie Kandé, langue scandée, incantatoire, qui charrie une
vie
océane, battante, inassignable. Ce sont des instants
chapardés
dans le vif des courses, des fuites, des fêtes, improvisées ou non.
C'est une esquisse et
un combat
pour que vive la note plus haute, pour que se dresse la vie verticale.
Une langue opaque qui
étincelle,
qui enchante inquiète et trouble comme se doit de le faire toute grande
œuvre. (suite)
C'est
un récit tout
en lignes
subtiles, ténues, presque estompées.La narratrice,
revenue sur les
lieux, chargés, de son enfance, restitue une généalogie des plus
étranges, un
roman familial composé d'enchevêtrements inextricables,
fondé
sur des secrets jamais levés. Au fil des souvenirs
exhumés
apparaissent les figures saillantes qui, peu à peu, se dressent et se
précisent. D'abord Ryô qui est le frère de Miyako, la narratrice mais
aussi son
seul et impossible amour véritable. Puis leur mère, prématurément
disparue,
personnage fantasque, discrètement flamboyant, qui magnétisait
irrépressiblement tous ceux qui croisaient sa route. Le père, lui, est
une
silhouette plus floue, une personnalité plus indécise.Une ode poignante
à
la déglingue
féconde des familles folles.(suite)
Par
une cruelle
ironie du sort,
le recueil d'Asli Erdogan paraît alors même vient tout juste d'être
libérée de
prison (le 29 décembre 2016). Cette romancière et journaliste turque a,
en
effet, purgé une peine de plus de quatre mois et le chef d'accusation
qui
pesait contre elle était le suivant : elle appartiendrait à une
organisation
terroriste pour avoir publié des chroniques dans un journal
pro-kurde...Comme remparts et
bastions de
résistance elle convoque, entre autres, la littérature, la poésie qui
sauvent,
au moins provisoirement, du désespoir. (suite)
Selon
son propre
aveu, Ariane
Dreyfus se risque, dans ce recueil, hors de ses brisées, de son champ
exploratoire attitré. Elle ne cherche plus à dire les soulèvements du
corps et
de l'amour adulte, elle se penche sur les territoires de l'enfance et
de
l'adolescence à son orée, saisie dans des premiers frémissements. Deux
motifs
s'entrecroisent, deux gisements sont sollicités dans lesquels elle
puise
alternativement. D'une part, l'intrigue du roman de Richard Hugues "Un
cyclone à la Jamaïque" lequel met en scène des enfants embarqués par
des
pirates et, par ailleurs, des adolescents qui voient éclore leur
premier amour. (suite)
C'est
un recueil de
courts textes
qui voient s'afficher, en regard de chaque fragment, des photographies
en noir
et blanc lesquelles semblent des dessins tracés au fusain qui laissent
dans leur
sillage des traînées poudreuses et rêveuses. Ce sont des instants
prélevés sur
la tristesse ordinaire des jours et, semble-t-il, la radioscopie d'une
rupture
amoureuse, mais comme perçue à travers une buée et restituée avec une
si grande
délicatesse qu'on pénètre dans cette matière poétique à pas de loups,
intimidé
par l'élégance et la douceur de ce désespoir ouaté. (suite)
C'est
une approche
sans précédent
d'une matière tragique. C'est une matière veloutée et vaporeuse posée
sur une
chair saignante. C'est un triple
hommage que
déploie ce texte: au père, funambule de la folie, à l'établissement
psychiatrique dans lequel il séjourna de longues années, et aux
soignants comme
aux patients qui l'entourèrent et qui sont saisis dans toute leur
poignante
humanité. C'est aussi un hymne
à l'enfance
confondue avec Beckomberga, l'asile suédois qui accueillit et pansa
l'âme
divagante du père. (suite)
C'est
un texte
abrasif qui
s'avance sous des dehors soyeux. On peux croire qu'on a affaire à un
roman
traditionnel, une narration classique, mais l'illusion se dissipe vite,
elle
vole en éclats, pulvérisée par les glissements de sens, les ellipses,
les
gradations imperceptibles et les époques entrechoquées. Stan, le
narrateur,
est un homme
jeune qui traîne sa vie sans trop savoir qu'en faire. Son seul ancrage
s'appelle Elyse, comédienne de son état, somptueuse, spectaculaire, et
quelque
peu castratrice qui a, incompréhensiblement, jeté son dévolu sur lui. (suite)
Voici
un texte qui se
déploie au
fil de voix successives mais ce n'est pas un roman polyphonique
classique. Car
lesdites voix rendent moins compte d'un temps qu'elles couvrent que
d'un espace
qu'elles quadrillent et s'emploient à apprivoiser. Soit une famille
danoise qui
débarque sur une île aux confins du Groenland. Les trois enfants
prennent la
parole à tour de rôle et disent, chacun à leur manière, la lutte qu'il
faut
mener pour exister sous ce ciel de glace et parmi les autochtones à la
peau
plus foncée que la leur. Ce texte s'écrit au
fil de mots
en apparence usuels, ordinaires, mais qui sont agencés de manière telle
que les
paresseuses habitudes sont bousculées et les perceptions
révolutionnées. Un tour de force
doublé d'un
enchantement. (suite)
C'est un texte comme une battue rageuse. Un texte où les mots se percutent et les temps se télescopent. C'est une adresse impérative, une succession d'injonctions, déguisées en questions, mais péremptoires, toujours, et castagnées. C'est un texte qui exige et n'accorde pas de répit. C'est un état des lieux accablant auquel succède une envolée allègre, solaire et jubilatoire.Une lecture salutaire en ces temps délétères. (suite)
C'est
un livre
d'heures
nocturnes, presque posthumes, et qui, pourtant, délivre une étrange et
puissante lumière. C'est le compte-rendu d'une quête, d'un voyage à
caractère
mystique et mythologique. C'est un pacte de haute exigence conclu avec
soi-même
et avec la mémoire vive d'une lignée meurtrie car Hélène Cixous, à
travers ce
texte, se "rend à un ordre venu de sa plus haute antiquité
intérieure". C'est Jérusalem et Osnabrück, pôles névralgiques et
pierres
angulaires, villes confondues, visées par le même élan rageur et
réparateur. (suite)
Hélène
Cixous a
écrit, avec
"Le Détrônement de la mort", autrement intitulé "Journal du
Chapitre Los", un antécédent, une pièce liminaire apportée
postérieurement
au dossier dudit "Chapitre Los". Lequel "Chapitre Los"
consistait en une remémoration, on ne peut plus vivace, d'une période
amoureuse
chargée, dense, cataclysmique. Le présent
"Détrônement de
la mort" se distingue en ce qu'il s'est imposé comme nécessaire mise au
point et au jour, le 'Chapitre Los" à peine achevé, et en ce qu'il
concentre sur la figure de l'amant Carlos. L'amant mort qui irrigue ces
pages
d'une force de vie peu commune. (suite)
C'est
une quête, non
pas
amoureuse mais aimante, aimantée, une enquête déchirée, d'un type très
particulier, qui court le long de ces pages. C'est un amour en
forme de dédale
et de miroir déformant. C'est une exploration, gracieuse, pénétrante et
tendre,
des conditions et des limites de la liberté. C'est un ballet
ambigu et
envoûtant qui met en scène deux duos, deux binômes composés d'un frère
et d'une
sœur. Des alliages se produisent entre les fratries, des pactes se
scellent qui
rendent la situation confuse et presque inextricable. (suite)
C'est un livre qui
donne la
nostalgie d'une enfance qu'on n'a pas eue. Tout baigné qu'il est du
sang de la
perte, frappé d'un sceau inconsolable. Mais avant la mort annoncée ou
pressentie, il y eut une vie. Une enfance, une adolescence qui furent,
elles,
somptueuses, perfusées de beauté à n'en plus finir. Ce texte c'est,
sculpté par Dominique Botha, le
tombeau de
Paul Botha, son frère génial et suicidé. Mais c'est aussi une longue
litanie
incantatoire qui célèbre les splendeurs d'une enfance en Afrique du
Sud, au
sein du Veld et d'une nature luxuriante. (suite)
C'est
un livre à
l'envers. Le
commencement exhale déjà un sauvage parfum de dénouement. Tout parait
scellé,
comme poignardé par une lumière post apocalyptique. C'est aussi un
livre en
diagonale: tout advient de biais et l'étrangeté qui baigne chaque page
brouille
tous les repères. C'est Kristian, le
fils prodigue
qui, après avoir longuement déserté, regagne le bercail et retrouve sa
demi-sœur, Kaj, jeune bâtarde auréolée et potentiellement radioactive.
Kaj est
le pivot incertain de ce récit flou, flottant en eaux troubles. Kaj,
demi-sœur,
semi-sorcière qui exerce sur Kristian pouvoirs et fascination et semble
opérer,
sur lui et les autres, par d'invisibles passes magnétiques, de longs
envoûtements. Kaj, bancale, décrochée, féroce, enfantine, animale,
imprenable,
irrésistible. Redoutable d'innocence torse. (suite)
Ce n'est pas un livre, c'est un territoire saignant, un pan de vie à vif, un cri, mais dansé et virevolté. C'est un territoire hurlant étrangement quadrillé, composé de pas de côté où le pire peut devenir sautillant. C'est un bloc de vie arraché à l'expérience du deuil. C'est un thrène qui casse tous les codes du chant funèbre, qui flirte dangereusement avec la cocasserie, l'incongruité, et n'en est que plus poignant. C'est un patchwork, une mosaïque bourgeonnante, un texte taillé et couturé de partout, constitué de ressassements, de descriptions à fleur de peau, de listes et énumérations, de dialogues ahurissants (il s'agit, le plus souvent, d'entretiens abasourdissants avec les psychiatres et thérapeutes), de coupures de presse, de fragments d'horoscopes...(suite)
C'est
un feu
d'artifice en noir
et blanc. Une merveille pyrotechnique dans un cadre sulpicien. C'est
Michael
Lonsdale en grand-père conteur, idéal et inspiré, qui gauchit, ou
plutôt
rectifie l'histoire des filles au Moyen-âge. Michael Lonsdale qui, en
faveur de
ses petites-filles adorées, réinvente la médiévale condition féminine.
C'est un conte
cocasse, loufoque,
infiniment poétique et incisif, interprété par des enfants bougrement
talentueux. (suite)
C'est
un ovni
étincelant, un
météore fou dont la combustion s'effectue sous nos yeux, une queue de
comète
incendiaire qui embrase l'écran et l'esprit du spectateur. Lequel
oscille entre
incrédulité, éblouissement, abasourdissement et ravissement au sens
plénier. Il y a une
extravagance
savoureuse, une loufoquerie sans frein, un rythme endiablé et de
constantes
étourdissantes et ébouriffantes trouvailles. Il y a des jeunes gens
beaux comme
des médailles et des aînés (Sabine Azéma et Jean-François Balmer)
inouïs,
vibrionnants comme de jeunes gandins. (suite)
Ce sont des textes de ballerine et de ballet. Des textes étirés et de pointes. Des textes sur la pointe des pieds. Elégants, élancés, et qui ne touchent pas terre. Ce sont des textes comme des battements d'antennes, des empreintes d'élytres, des traces délicates, arachnéennes, de pattes impondérables. Ce sont des vers comme en passant (et pourtant minutieusement ouvragés et même orfévrés) qui disent sans jamais appuyer mais saisissent le cœur et frappent immédiatement la conscience. (suite)
Voici un conte gothique tamisé, une forme de tragédie classique filtrée par le "on" indistinct qui la rapporte et qui inclut aussi bien le lecteur que le chœur antique, témoin et arbitre du carnage. C'est l'histoire d'une enfance singulière qui fore et déforme l'héroïne. Elle est le fruit d'un amour hors- normes, presque contre-nature. Son père et sa mère, en effet, se vouent une passion extrême, absolue. Le père, en particulier, élève sa femme au rang d'icône et d'idole qu'il vénère. Cette adoration exclusive aurait dû, en toute logique, exclure aussi l'enfantement, la descendance. (suite)
C'est
un texte
enchâssé,
sourdement incantatoire et lancinant. Des fragments juxtaposés, de
sensations
et de souvenirs, comme les blocs arrachés d'une banquise
mémorielle. C'est une seule
phrase,
litanique, scandée, lyrique, qui se divise en fractions aléatoires et
prend des
virages imprévisibles. Ces fragments se succèdent et se rattachent les
uns aux
autres par un procédé singulier : la voix profératrice sectionne un mot
à
l'issue d'un lambeau de texte et la part manquante dudit mot constitue
le début
de l'extrait suivant, lequel développe un tout autre sujet. (suite)
Y
a-t-il un texte de
Malcolm
Lowry qui ne nous soit pas parvenu miraculé, ayant réchappé, d'extrême
justesse, aux flammes ? Il n'en est pas, en tout cas, qui ne soit
brûlant et
cela, bien que sa prose soit une drôle de pyromane, une incendiaire
d'un genre
particulier, qui gèle sensations et sentiments tout en les exacerbant.
Il en est ainsi dans
"Le
voyage infini", texte inachevé et récemment exhumé. "Le voyage infini"
se
présente, a priori, comme un roman de formation classique qui procède
et
progresse par vagues discursives enveloppantes, entêtantes, irritantes
parfois. (suite)
Hélène
Cixous nous
convie,
directement et sans ciller, au cœur du mystère. Elle place sur un plan
d'égalité les vivants et les morts et dialogue de la même façon avec
les uns et
les autres. Plus précisément, elle nous initie à ses morts tant aimés
qui
irriguent profondément, et toujours davantage, sa vie. Se reportant à
ses cahiers
des années 60 et au-delà, elle fait surgir une époque, des silhouettes,
une
atmosphère, trépidante, des amours, brûlantes, des amants et des
amantes. (suite)
C'est
un texte
fracturé, scindé
sur toute sa ligne, toute sa longueur, et sur tous les plans. Partagé,
distinctement, entre deux voix, deux genres, deux temps. Entre le
masculin et
le féminin, le passé et le présent et, surtout, entre la vie et la
mort. Pour
autant, il ne se présente pas comme "Le livre brisé" de Serge
Doubrovski
car la mort n'advient pas en cours d'écriture, elle est inaugurale,
présente
dès avant la parole, ou plutôt, génératrice de la parole affolée.
Affolée,
fragmentaire et affûtée. Que la mort soit préalable à l'écriture, à la
profération, ne rend pas le texte moins saisissant. (suite)
C'est
un fruit
sortant de
l'abîme. Fruit acide et qui agace la faim. Et qui pourtant forme une
courbe
pleine, un tout complet. C'est une brève
transe rythmique,
une ivresse musicale scandée, orfévrée et dédiée. C'est une
impossibilité
amoureuse, existentielle, transmuée, sublimée et, dans une mesure
certaine, conjurée
par l'alchimie joycienne. L'argument est
classique, le
thème quasiment éculé puisque nous voici face à un Joyce aimanté,
érotiquement
requis par l'une des jeunes étudiantes à qui il enseignait l'anglais
entre 1912
et 1914 alors qu'il vivait à Trieste. (suite)
Ceci
n'est pas un
roman, c'est
une facétie majuscule, une provocation incessante et trépidante qui
court sur
près de quatre cent pages. C'est une voix
mordante,
extraordinairement frondeuse et polissonne, qui s'attaque, l'air de
rien, à une
forme surannée, une version obsolète et littéraire du rêve américain
(un rêve
américain aux accents victoriens et germanopratins) lequel rêve se
retrouve
débité en tranches, troué au vitriol du verbe corrosif et de la verve
incendiaire. C'est un précipité
d'effronterie
pure, un traité d'insolence sans frein. (suite)
C'est un texte pétri
dans la
chair nue, infusé à même la peau,
brassé
au cœur de la langue. Un texte sur une langue en train de s'inventer et
qui
s'invente à mesure. Un texte qui s'irrigue à la source alchimique qui
préside
aux découvertes et créations majeures. Douna Loup prend et
tient le pari
de retracer le destin de deux figures d'exception, deux écrivains
malgaches qui
sévirent au cœur du XXème siècle. Il s'agit de
Jean-Joseph
Rabearivelo (dit Rabe) et d'Esther Razanadrasoa, son aînée de dix ans.
Et Douna Loup sait
dire comme
personne la libre percée des peaux et des mots, les redditions
victorieuses
signées avec le sang. (suite)
Voici
un texte
multiple et
dévoré, colonisé par sa propre surabondance. C'est une longue psalmodie
heurtée, épelée dans une langue scandée et hantée. C'est une joyeuse
cavalcade,
aussi. Un espace quadrillé, une dramaturgie bousculée, un espace-temps
éclaté,
et des personnages projetés comme des éclats de rire. C'est donc un
texte
aux accents
mythologiques et tragiques et c'est aussi une épopée incendiaire et
cocasse
qui, facétieusement, se joue des codes qu'elle reproduit. Une lecture
euphorisante, un
hymne éblouissant aux ressources inépuisables de
la
littérature. (suite)
Voici
un récit comme
un choc
thermique, comme une hydrocution, comme une implacable insolation ou un
uppercut dont les ondes de choc se propagent page après page et
secouent sans
merci le corps entier. Le corps du texte comme celui du lecteur. Et
c'est un texte
dont on sort
dans état de saisissement si grand que les mots font défaut pour
qualifier ce
qui s'est produit. Car ce texte, c'est
d'abord un
auteur et une langue. (suite)
Dans
ce texte, on
entre sans
préambule, on est tout de suite comme chez soi. De plain-pied, immergé
ou
plutôt aspergé, éclaboussé de perceptions aigües et multiples. On est
comme
chez soi sauf qu'on est aussi , et dans le même temps, dérouté, expulsé
de
l'évidence. Car une étrangeté envoûtante règne dans ce récit, une
étrangeté
sans équivalent connu, moite, poisseuse, languide, voluptueuse et
entêtante. Ce sont des vies qui
se frôlent,
se cognent et parfois explosent en plein vol. Des vies complexes,
enchevêtrées,
dont la matière charnelle, fibreuse, énigmatique, est restituée avec un
art
consommé et une acuité confondante. (suite)
C'est
un bouquet
d'instants
recueillis et reliés, un bouquet subtil, délicat, qui exhale un parfum
secrètement vénéneux. Ce sont des vies difficiles et chahutées,
cognées,
brinquebalées, entre le Nigéria et les Etats-Unis. Ce sont de
douloureuses
quêtes d'identité et d'appartenance. Sexuelle, originelle, ethnique.
C'est le
mirage américain à l'épreuve de "la vraie vie", des aspirations et
projections démesurées. C'est une écriture à
la fois
ciselée et enveloppante pour dire d'éternelles et cruelles vérités
chaque fois
trempées dans un bain d'extrême singularité. C'est une écriture souvent
circulaire et, de ce fait, hypnotique, qui explore les parois et recels
d'une
impasse avant de nous renvoyer, in fine, à l'impossibilité inaugurale. (suite)
Ce sont des voix qui montent, qui semblent surgir des limbes mais qui sont tout sauf spectrales : elles sont, au contraire, très sensiblement charnelles, charnues et habitées. Ces voix sèment le trouble, elles distillent l'inquiétude et l'incertitude en cela qu'elles sont tout ensemble floues, vaporeuses, et précises, d'une découpe acérée, et elles sont aussi martelées et même dardées. C'est un crime inexpiable, une mort incompensable. C'est, au bord d'un lac et entre les branchages, le corps retrouvé de Thibault, corps mort catalyseur de tous les désirs, de toutes les fulminations. (suite)
Ce
sont des
textes à bout portant et comme des balles en plein cœur. C'est
une
langue syncopée, une langue faite de détonations successives, une
langue dure
et dardée qui s’irrigue de longs flux de douceur. C'est
une
ferveur crue, un lyrisme sans complaisance, sans baisse de régime et
sans
attiédissement aucun. Ce
sont les
bords et les bouts calcinés d'une vie consumée dans la passion de vivre
et
d'aimer. C'est une langue qui décline inlassablement les visages, les
corps et
scande et psalmodie ses cadences singulières. C'est une langue qui
claque,
farouche et fière. Une langue d'ellipses, opaque, sombre et touffue et
qui
pourtant percute avec une force claire, une incisive limpidité. (suite)
C'est
un texte aux
floraisons et
ramifications multiples. C'est un concentré d'empathie, un précipité
d'humanité
pure. On est à Melbourne, dans les pas et les pensées d'une narratrice
qui épouse
étroitement les préoccupations de ceux qui l'entourent. La narratrice
est une
observatrice étrangère projetée dans le bush australien, immergée dans
milieu
humain bouillonnant et bigarré. Elle est jardinière
chez Kim, une
paysagiste maigre et revêche. Autour d'elle gravitent la douce et
lumineuse
Mitali, l'énigmatique et rude Sarah, la fille de cette dernière, Mary,
et la
chaleureuse Bernice. Ce gynécée est composé de figures peu communes,
toutes
secrètement blessées. (suite)
C'est
un texte
immédiatement
dansé, gymnique, acrobatique. Un texte fait de bonds, cabrioles,
virevoltes, de
lancers très haut tenus. C'est une langue qui rue, rugit, saccade en
cascades
mais se déroule, se développe, aussi, voluptueusement, et enveloppe le
lecteur. C'est une prosopopée
hypnotique,
une allégorie furieuse. Mariette Navarro orchestre minutieusement et
scande
savamment l'obscure chorégraphie des vagues. On dirait qu'elle dispose
d'une
science médiumnique, qu'elle s'appuie sur un savoir ancestral. (suite)
Ce sont des instants arrachés et ciselés. Des fragments peaufinés et ouvragés. Des hommages fulguraux et d'une délicatesse extrême. Ce sont des portraits de femmes sous forme de radioscopies supersoniques. Ce sont des précipités poétiques et sensoriels. Des simulacres de nouvelles mais comme concassées au maximum. Des instants, cocasses ou poignants, irrigués de sensualité de rage ou soulevés par une immense compassion. Ce sont des femmes que l'auteur croque subrepticement et avec une délectation des plus sensibles. L'une est saisie dans l'éperdu d'un coup de fil qui zèbre la nuit. Une autre est aux prises avec les affres et la hantise du vieillissement.(suite)
C'est
un précis tout
à fait
singulier, un relevé circonstancié et d'entomologiste. Claire Legendre
a
proposé en
effet de recenser, d'épingler et d'explorer les peurs qui le gouvernent
et la cisaillent.
Elle s'attelle et s'attaque à tout ce qui la noue sans établir de
hiérarchie,
sans distinction et sans critère autre que l'intensité de l'angoisse
suscitée. Ainsi sont disséquées
indifféremment, et avec une égale minutie, la peur de l'avion ou des
araignées,
la hantise de la maladie ou du séisme amoureux. Claire Legendre
procède comme une
fileuse, comme un Pénélope habitée, obsessionnelle, par enroulements et
déroulements successifs. (suite)
C'est
un récit
presque improbable
et qui se présente comme tel. Il avance à pas de loup et à voix
chuchotée. Une femme, d'un âge
indéterminé,
voit subitement surgir chez elle un jeune homme dont elle fut, pour
ainsi dire,
et à la faveur d'un étrange concours de circonstances, la "mère
intérimaire" trente ans auparavant. Cette réapparition
inopinée
réactive, chez la narratrice, tout un pan enfoui du passé: il s'agit de
quelques mois qu'elle passa à Berlin, dans les années quatre-vingt,
quelques
mois décisifs qui modifièrent à jamais le cours de son destin. (suite)
C'est
un roman plein
de fracas et
de fureur. Un récit au vitriol, corrosif au possible, traversé et comme
fortuitement troué par des bouffées de tendresse. Le héros, Ludovico,
est un
jeune et prometteur doctorant en littérature qui, à l'université
génoise,
exerce avec brio son esprit caustique, porté sur le paradoxe comme sur
les
déductions et ramifications improbables. Un beau jour, il
débusque une
version inédite de la fin de "L'autre Monde" écrit par Cyrano de
Bergerac en 1657. La perspective de faire une découverte majeure
aiguillonne
Ludovico qui se lance dans une quête effrénée. (suite)
C'est un texte tissé d'une trame fragile et déchirable. Ce sont les carnets d'un homme, un écrivain, en pleine déroute amoureuse et existentielle.Le livre débute par une évocation sensible et pénétrante de la passion qui unit Héloïse et Abélard. L'auteur évoque simultanément une rencontre amoureuse insituable, suspendue, entre un homme mûr et une très jeune fille lors d'un réveillon mémorable. La passerelle créée, le passage opéré, relèvent de l'évidence. Les épisodes restitués, réinventés, de la passion entre Héloïse et Abélard sont particulièrement sensuels et suggestifs. (suite)
Voici
un récit qui
repose tout
entier sur des jeux de miroir et des phénomènes d'écho. Car les
protagonistes
n'existent que réverbérés les uns dans les autres et, surtout, dans la
confrontation avec eux-mêmes, avec celui ou celle qu'ils étaient vingt
ans
auparavant, quand ils avaient vingt ans. Car c'est essentiellement le
temps,
ici, en ses multiples déclinaisons et métamorphoses, qui doue les
personnages
d'épaisseur. Il y a vingt ans, ils
étaient
quatre, trois garçons et une fille, réunis par leur passion commune
pour
l'alpinisme. Ensemble ils ont gravi, escaladé, éprouvé la beauté et
l'effroi
des montagnes. (suite)
C'est
une tragédie
racinienne
scalpellisée, soumise au scanner, concassée dans des éprouvettes. C'est
Phèdre
quintessenciée, Andromaque réduite à l'os. C'est aussi "Adolphe" de
Benjamin Constant, c'est la désastreuse asymétrie amoureuse perçue
depuis la
lucarne d'Ellénore. C'est une expérience humaine universelle que
l'auteur a,
pour ainsi dire, menée en laboratoire pour en extraire le principe, les
axiomes
et postulats de base. Soit, donc, Ester,
jeune
essayiste et poète suédoise. Femme supérieurement intelligente et
exagérément cérébrale
qui, un jour,
décréta que sa vie serait tout entière subordonnée aux principes et
diktats de
la raison pure. (suite)
C'est
un tombeau
vide. Comme si
l'écriture du récit opérait instantanément, et à mesure, l'acte de
résurrection. C'est un hommage déchirant à une amoureuse morte,
prématurément
ravie à son amant mais c'est aussi un texte incroyablement léger, ailé,
véloce
et tournoyant. C'est une expérience universelle mais dont les pointes
les plus
significatives et les angles les plus aigus vont se loger dans les
détails les
plus infimes, les plus singuliers, les plus insubstituables. L'Eurydice
que le
narrateur
éperdu tente d'arracher aux Enfers se prénomme Ann et c'est une jeune
pute
thaïlandaise subitement frappée par une tuberculose ravageuse. (suite)
C'est une histoire simple. En apparence. Un homme, une femme. Un peintre, une photographe. Entre eux, via une petite annonce, une alliance conclue, un étrange pacte contracté. Ils conviennent de se retrouver tous les soirs pour danser ensemble et seulement ça : danser le tango sans rien se dire qui permette de les situer, les agriffer, sans rien divulguer qui soit décisif et les assigne. Sans rien éventer des secrets qui tissent leurs fibres. Tout juste apprend-on accidentellement (et parce que les fibres ne peuvent retenir cette vérité saignante) que la jeune femme a perdu un enfant, un fils de quatre ans et, dans la foulée, Svörg son homme éperdument aimé. (suite)
C'est
une trajectoire
en forme de
ligne ascendante et de percée profonde. C'est une fuite qui se mue en
reconquête, en réappropriation de soi. C'est l'histoire
d'une jeune
femme déshabitée qui revient à elle-même au travers de la marche, d'une
rencontre fortuite, corporelle, décisive, et d'une autre rencontre,
incorporelle, celle-là, mais non moins incarnée et décisive. Le récit
débute par
une rupture
radicale. La narratrice quitte. Un lieu, un homme, un métier. Tout ce
qui
constituait ses repères et ses fondements. Elle fait table rase d'un
passé qui
ne concorde plus avec ce qu'elle est en train de devenir. Elle
s'éprouve, se
façonne, se définit par la marche qui l'aiguise et la dépouille. Par le
feu qui
l'anime, par la combustion interne qui la modifie à mesure. (suite)
C'est
un récit qu'on
pourrait
croire de baguenaude et de maraude. Une déambulation à la fois rêveuse
et
observatrice qui pourrait ne revêtir qu'un caractère ludique. Mais il
s'agit
aussi d'un périple exploratoire, d'une quête passionnée et secrètement
suppliciée menée sur fond d’insatiable curiosité d'autrui. (suite)
Le texte, bien que
foisonnant,
est pareillement dépouillé et le décapage opéré est de toute beauté.
Ce sont des voix et des visages. Ordinaires mais traversés par une parole singulière. Ce sont des corps en uniforme et conducteurs d'un flux marginal et déconcertant. C'est le réalisateur Nicolas Gayraud qui a posé et conduit sa caméra au sein de l'abbaye de Bonneval laquelle abrite une communauté de sœurs de l'ordre cistercien de la Stricte Observance. Le réalisateur, perclus de doutes, a approché les sœurs sauvages avec des précautions et des délicatesses de félin.(suite)
C'est un texte qui fait entendre trois voix distinctes, alternées. Trois voix qui disent l'étrangeté d'être au monde quand on porte sur ledit monde un regard sans filtre, un regard altéré par nul conditionnement. Trois personnages, trois lieux, trois destins simultanés. Unis sous la voûte céleste et par le passage de deux comètes en 1910. Il y a Karl, jeune immigré qui nettoie les vitres des gratte-ciels de New York et qui est doué ou affligé d'une sensibilité convulsive. Il y a Fernando, rêveur décroché et visionnaire, qui erre douloureusement dans Lisbonne. Il y a Jorge, enfin, jeune garçon livré à son hyperbolique imagination, qui édifie d'ébouriffants mondes parallèles. (suite)
Marie-Paule
Nègre est
une humaniste doublée d'une entomologiste. Elle est d'une rare
empathie mais c'est aussi un instrument de précision qui enregistre
sans faillir ce qui la frappe, la révolte, l'émerveille. Ce qui
fait sens et, aussi bien, le défaut de sens, ce qui défie
l'entendement. C'est une experte du logos : elle discerne et crée
des rapports là où notre œil fatigué et paresseux ne perçoit
rien d'autre que le cours ordinaire des choses. (suite)
Courez,
volez, toutes
affaires cessantes, voir "L'Annonce faite à Marie" aux
Bouffes du Nord ! C'est de la haute voltige, du cousu main, c'est
magistral et c'est bien plus encore. C'est un apologue
mystique dont Claudel extrait toute la sève et la saveur sauvages.
On est au Moyen-âge, dans un domaine agricole qu'administre
impérieusement Anne Vercors, maître incontesté, pater familias qui
ne souffre pas la contradiction. Or voici que cet homme rude, façonné
par les cycles et les lois terrestres, reçoit l'appel de Dieu. Il
décrète qu'il lui faut, impérativement, sans plus tarder, marcher
vers Jérusalem. (suite)
Michaël
Borremans est un
artiste qui semble se jouer des limites et franchir sans cesse les
frontières traditionnellement fixées. Ses toiles, empreintes d'une
inquiétante étrangeté, procèdent davantage d'un univers mental
très singulier que d'une réalité restituée. Dans ce royaume intime,
se déploient des figures qui ont quelque chose de fantomatique mais
qui sont, en même temps, dotées d'une présence saisissante. Les
personnages comme les scènes, ont un caractère fantasmatique mais
ils produisent simultanément un effet de réel poignant qui saute
aux yeux et prend le spectateur en otage. (suite)
C’est
un film
d’effroi ouaté. Un
lent dérèglement qui s’insinue imperceptiblement dans les rouages rodés
du
quotidien. Comme un poison insidieux qui contaminerait, à mesure, tous
les
personnages en présence et saturerait l’atmosphère. C’est un film qui
procède
par ruptures successives, de ton et de rythme, mais des ruptures si
subtiles et
incessantes à la fois qu’elles plongent dans une stupeur émerveillée. (suite)
C'est
un film
nocturne zébré
d'éclairs phosphorescents. Une fantasmagorie sombre, radioactive,
éblouissante.
C'est un jeu naïf et roué autour des archétypes et des allégories.
C'est aussi
une cascade de
références, de clins
d'œil facétieux aux chefs d'œuvres embaumés qui sont ici dépoussiérés
et dûment
secoués. On croise, en vrac,
des
Botticelli, des tableaux mordorés de Georges de La Tour, des images de
Cocteau,
des scènes empruntées à Jacques Demy, des allusions orphiques, des
beautés pré
raphaéliques, des scènes arrachées aux romans de chevalerie et on peut
même détecter
des réminiscences de Murnau. (suite)
C’est
un film
comme une
traînée
de poudre. Un soulèvement furieux, une sarabande endiablée. Ce sont des
corps
étreints de rage qui éprouvent leurs limites à travers la danse, la
transe, la
nudité ou le grimage, l’artifice pousse à bout. C’est un jeu, espiègle
et
virtuose, sur les sons, les cadences, les figures, les genres, les
archétypes.
C’est une fantaisie débridée en forme d’hymne à l’absolu dérèglement
des sens.
Ce sont des personnages comme aimantés, électrocutés, atomiques,
atomiquement
chargés, qui vont de court-circuit en court-circuit. (suite)
C’est un film blanc sur blanc. Chaleur sur lumière. Foudre sur granit. Un film saturé d'abîme, Un film qui remet naître au goût du jour, qui remet prendre et perdre à vif, qui saisit l’élan à même la peau et prend son souffle aux lèvres de l’extrême.C’est dans les plaines de la Grèce centrale, dans un paysage âpre et brûlant, comme soufflé et mimétique du désert. Ce sont, dans un temps indistinct, deux communautés juchées, un monastère et un couvent, orthodoxes l’un et l’autre, qui se font face, dressés, tous deux, à l’extrémité de deux pitons rocheux. (suite)
C’est un film infiniment clair et un peu trouble. Un film bouclé, tout de blondeur un peu torse, un peu mêlée. Un film aux yeux grands écarquillés qui porte sur le monde un regard si candide et si pur que la contagion opère, la contagion vous frappe et vous frappe de vertige. La trame et le motif sont communs puisqu’il s’agit d’un franchissement, d’un affranchissement, d’une révélation et d’une expansion adolescentes. (suite)
C’est
un film
qui, en
dépit de
son titre, est plein de bruit et de fureur. Mais d’une fureur rentrée,
contenue, qui se communique par ondes vibratoires, par capillarité et
presque
de façon subliminale. C’est un corps qui est atteint par une histoire,
un corps
qui s’emplit de fièvre et de secousses. Le corps atteint par
l’histoire,
c’est celui, d’une grâce insigne et d’une expressivité folle, de
Nathalie
Richard. Elle est seule en scène et tient la gageure de donner corps,
presque
deux heures durant, au récit qu’elle déroule. (suite)
Ernest
Pignon-Ernest avoue une
fascination de longue date pour les grandes mystiques, les brûlées de
l'intérieur. Car le corps est son objet, son projet et il est donc
singulièrement requis par celles dont le corps est le lieu du passage,
de
l’essor vers un au-delà inscrutable. Ces femmes qui ont livré leur vie
au divin,
qui ont modelé leur corps pour en faire l’articulation visible,
sensible, entre
l’humain et le sacré, entre le charnel et la transcendance, entre la
souffrance
et l’extase. C’est de cela dont cette installation rend compte. Ernest
Pignon-Ernest
met en scène des corps nus, magnifiquement creusés, très esthétiquement
ascétiques et décharnés, des corps qui semblent comme écartelés,
suppliciés et
sur le fil, en lisière entre torture et exultation suprême. (suite)
C’est
un film nomade,
stellaire
et ondoyé. Un film qui crépite de la poudre d’une étoile perdue. C’est
un film flou,
de brumes
vaporeuses et de découpes franches, de ruptures nettes et tranchées et
de
brusques lancinances, un film absolument pas fiable qui bascule sans
cesse
d’une forme en son contraire, d’un extrême à l’autre et nous balade le
long d’escarpements
qui surgissent à mesure. C’est un portrait en
forme de
quête inspirée, d’enquête identitaire. (suite)
C’est
un film hirsute
et
tailladé, taillé dru comme une chevelure résolument rebelle. Un film
qui
grince, halète, crisse, piaffe et ne se laisse pas dompter. Un film
râpeux,
âpre et castagné, rêche et électrique. Un film qui tressaute et rue et
ne
progresse qu’au fil des saccades, ellipses et chocs frontaux qui le
constituent. Un film qui cogne sans merci et jusqu’à les dissoudre sur
les
êtres comme sur les idées. Ce n’est pas un film mélodieux,
du reste il n’est (et c’est aussi sa force) soutenu par aucune musique
mais il
impose cependant quelque chose comme une musicalité forte, un rythme,
une
cadence entêtante. (suite)
C’est
un film de
corsaires qui
tout pirate et tout extorque. A commencer par les éblouissements. Ce
sont des
nappes magnétiques qui enveloppement, submergent et opèrent un rapt.
C’est un film de
fille qui exalte
et magnifie les garçons comme rarement à l’écran. C’est une ode
effrénée à la
" vraie vie " rimbaldienne et une invitation à
investir la
nuit comme l’espace le plus solaire qui soit. C’est une sombre et
suave féerie
qui recèle des charges explosives. Ce sont deux
adolescents qui
présentent des caractéristiques à la fois anachroniques et résolument
modernes.
Mais leur élégance, irréfutable, est intemporelle. Ils sont engagés
dans une
lancinante errance nocturne qui s’égale à une transhumance tant ils
sont soumis
à de successives et troublantes anamorphoses. (suite)
C’est
un film de bric et
de broc
et de contrebande. Une pluie d’instants volés, une constellation
étourdie,
tourbillonnaire et gouvernée par la plus pure gratuité. Jonas Mekas
filme, en
toute liberté, et sans le moindre égard pour quoi que ce soit d’autre
que la
pulsion scopique qui l’anime, le Mars Bar, situé à l’angle de la
Première Rue
et de la seconde Avenue, à Manhattan, bar qui constitua, des années
durant, le
point de ralliement élu par lui et son équipe. C’est un bar qui est,
en soi,
haut en couleurs et dont la faune, bigarrée, truculente, fantasque,
souvent
spectaculaire, mérite qu’on s’y arrête. Et Jonas Mekas y ajoute son
regard à la
fois si singulier, orienté et dépourvu de toute intention, de tout
jugement.(suite)
C’est
une exposition
qui
rassemble des œuvres apparemment disparates. Le seul dénominateur
commun est le
corps que ces capteurs d’images et ces quêteurs de sens scrutent
inlassablement. Il y a d’abord
l’approche
métaphorique, presque allégorique, de Maotao qui égale le corps à un
paysage
moiré, vaporeux, hypnotique. Puis Agnès Godard qui isole, parmi les
corps, des
fragments
expressifs lesquels, sous son objectif, se nimbent de poésie. Mathilde
Le Fur,
elle, saisit les
corps en apesanteur et elle opère de telle façon qu’ils semblent non
seulement
acrobatiques, captés en pleine voltige, mais aussi de nature
incertaine,
mi-céleste, mi-aquatique. Et il y a surtout
l’entreprise
saisissante de Karine Zibaut qui s’essaie à de troublantes
compositions. (suite)
C’est
un film
cul
par-dessus
tête, un film la tête à l’envers, la tête à première et dans tous les
sens.
C’est un film vulcanisé, tissé d’images explosives et explosées qui
pétaradent
de partout. C’est un film en noir
et blanc
mais à ce point débordant de vie, d’images et d’émotions que l’écran
s’éclabousse d’impressions polychromes. Nous sommes à
Casablanca en
juillet 1999 et en même temps nulle part et partout et dans
l’intemporel et
(tant tout fuse et s’expanse vers le haut) dans un grand poème indexé
sur
l’éternité. Mikha, le personnage central, est un jeune homme
christique :
il en a l’élégance, la noblesse, la candeur et la maigreur d’écorché.
Il est
flanqué de Daoud, un fantasque commissaire de police qui lui tient lieu
de
figure tutélaire et de Rita son amoureuse à mort, son aimée
ravissante et
capiteuse laquelle l’enveloppe et le crible de son enjouement canardé
et fêlé. (suite)
Voici
un film qui court et se déploie en lisière. De la forêt, du conte, de
l'allégorie, du
roman d'apprentissage. Un film dont les vertus et la force magnétique
sont le produit direct de son caractère indécidable. Les premières
images donnent le la : jet d'eau
bouillonnant, tourbillonnant qui envahit l'image puis le défilé de
corridors obscurs, dédalesques, de gorges souterraines qui se résolvent
en goulots d'étranglement. Tout de suite, l'atmosphère est posée :
l'étrangeté couplée à une sourde menace règnent sans partage. (suite)
Avec
Marc Desgrandchamps, on croit d'abord pénétrer dans le champ du connu
et même du rebattu : le monde estival des baigneuses livrées aux
langueurs et délices des vacances. Cependant, très vite, un
je-ne-sais-quoi nous alerte qui
altère cette impression initiale de complète
familiarité. Il y a autre chose, qui est de l'ordre
de "l'inquiétante étrangeté", qui infuse dans les toiles et distillle
peu à peu un indéfinissable malaise et une sourde angoisse. (suite)
Ellen
Kooi nous entraîne sur une pente glissante, au sein d'un univers
dangereusement féerique où les envoûtements pourraient bien
s'apparenter à des malédictions. On est happé autant
qu'hypnotisé
par ces photos dont la teneur ne se laisse en aucun cas épuiser à la
première vision. L'espace est dévoré par des paysages aussi sublimes
que perturbés et pertubants. (suite)
Sabine Pigalle porte un nom crapuleux et elle se préoccupe de sainteté. Mais les saints qu'elle met en scène sont grimés, poudrés, presque talqués dirait-on et ils sont nus. Savamment dénudés car tout, dans leur nudité, est étudié. Les corps photographiés semblent figés dans l'éternité, rapatriés depuis un autre espace-temps. Très droits, tout en élancement, d'une verticalité jamais prise en défaut, ils se tiennent là, dans une splendeur et une gloire qu'on dirait immémoriales. (suite)
C'est
une exposition toute en force et en finesse, à l'image du thème traité
: l'adolescence. Certains
des artistes qui exposent ne sont guère plus âgés que leurs modèles,
ils sont encore, tout ou partie, immergés dans cet âge de turbulences
et cela se ressent dans leur approche, dans leurs images. Mais même
quand le temps a imposé une distance, on perçoit partout, dans les
clichés collectés et soumis à notre appréciation, un intérêt passionné,
une vibrante empathie. (suite)