Les
nouvelles de Julien Campredon sont de petites grenades dégoupillées,
une poignée de crépitantes pépites, une décoction un peu sorcière, une
combinaison de saveurs épicées qui éclatent sur les papilles.
Nous voici en compagnie de personnages archétypaux, de figures qui ressortissent souvent de la fable, de la légende ou des poncifs littéraires (le chevalier, l'ermite, le marin, le notable, la femme adultère, l'employé malmené, l'amoureux transi) mais rien n'advient de ce qu'on pourrait attendre car Julien Campredon déroute les progressions formatées, il pulvérise les clichés et court-circuite les voies balisées. Si les personnages sont des prototypes, des archétypes ou des parangons, le texte effectue toujours le pas de côté qui les tire vers la singularité. S'ils peuvent, pour certains, paraître datés, relevant d'une veine passéiste, c'est cependant l'intemporel que nous rejoignons à travers eux. De même si les nouvelles sont ancrées dans une sud aussi aisément identifiable que fermement revendiqué, il ne s'agit en aucun cas d'une littérature "de terroir" car c'est bien à l'universel que nous avons à faire.
Notre jeune auteur est un facétieux farfadet, un trublion frondeur qui manie la cocasserie avec une rare dextérité et pousse très loin le sens de l'absurde.
Nous
frayons avec un jeune homme qui, comme tout jeune homme qui se
respecte, rêve de vivre "sous les jupes des filles". Sauf que le
fantasme, comme une métaphore filée jusqu'au bout du bout,
prend
corps de la plus surprenante façon. Il y a aussi un musée attaqué par
une milice de punks qui dézinguent les elfiques employés (coup de
chapeau, au passage, au très accrocheur
titre du recueil et de la nouvelle éponyme). Il y a des notables qui
ont d'étranges pratiques et sont soumis à d'étranges influences. Il y a
des statues douées de pouvoirs quasi surnaturels, des chevaliers qui
traversent avec succès les siècles et même l'épreuve de la mort. Il y a
un flibustier à la petite semaine, plus soucieux de lever des filles
qu'autre chose et une "pachole" qui révèle des aptitudes et des
attributs de sirène... On est à la lisière du fantastique mais on n'y
verse pas car Julien Campredon possède l'art consommé des brusques
coups de frein, des voltes-face qui réinscrivent les récit dans le réel.
Il
aime à brouiller les pistes, à mélanger les genres et les registres et
aussi les langues et les registres de langue. Il mêle allègrement une
langue orfèvrée aux salves et formules d'une extrème crudité et il y a
même une nouvelle entièrement bilingue qui fait se jouxter le français
et l'occitan cher au coeur de l'auteur.
La langue pratiquée est
savoureuse et colorée, elle regorge de trouvailles décoiffantes qui
font sourire et même rire aux éclats.
L'ensemble est enlevé, incisif, décapant, drôlement rageur et rageusement drôle, déconcertant toujours, dépaysant, merveilleusement loufoque et décalé, terriblement juste et succulent en diable.
Un recueil étonnant autant que détonnant !
BH 06/09
Retrouvez également l'interview de Julien Campredon par Bénédicte Heim sur le podcast des Contrebandiers éditeurs.