Car
être une petite fille, c'est toute une affaire et ensuite, c'est
l'affaire d'une vie que de chercher à restituer, à ressusciter cet état
au plus juste, que de restaurer le lien avec ce monde enfui (enfoui ?),
tout de périlleux enchantements. On pouvait craindre la mièvrerie
béate, la condescendance ou l'ironie facile mais Eva Almassy aborde ce
territoire mystérieux avec une révérence, une finesse et une
sensibilité qui forcent le respect. Ce
que l'on redécouvre d'abord, c'est qu'être petite fille constitue un
travail à plein temps et requiert une intelligence supérieure. Car la
petite fille entretient un rapport étroit, crucial, fondateur avec
l'être. Elle est plus proche de l'être petite fille qu'elle ne le sera
jamais par la suite et c'est une charge écrasante mais qu'elle porte
avec la grâce qui la caractèrise. La petite fille sait d'emblée, d'un
savoir immémorial, qu'elle est faite pour enfanter et cela conditionne
son rapport au monde. Elle est potentiellement "porteuse d'être" et
déjà tout entière femme, consciente et soucieuse de sa séduction, dans
un corps de gamine. Et Eva Almassy de convoquer les figures
mythologiques de petites filles : Alice, Maisie, sainte Thérèse de
Lisieux, la petie fille aux allumettes, Zazie... La
petite fille (à l'encontre du petit garçon) noue aussi avec le langage
une relation passionnelle : Au
passage, notre auteur s'insurge contre le conditionnement infligé aux
petites filles tenues de comprendre et d'excuser les abus, les
exactions des adultes et des garçons... Dans
la dernière et poignante section de l'ouvrage, on comprend pourquoi Eva
Almassy s'est penchée sur le sujet avec tant de coeur et pourquoi elle
a mis tant d'ardeur dans la fréquentation des petites filles : le
manque d'une petite fille la fonde, la fend et l'excave, il constitue
peut-être même l'un des moteurs de l'écriture. Et on suit notre auteur
dans ses évocations à mots feutrés, à mots pleins de douleur ouatée.
Evocations de parrainages qui "avortent", de maternités substitutives. Un
livre modeste d'aspect mais beau et grand par sa teneur. BH
09/09 Retrouvez
également l'interview d' Eva Alamassy (1ère
partie) (2ème
partie)par Bénédicte Heim sur le podcast des Contrebandiers
éditeurs.Eva
Almassy parle des petites filles comme personne. Elles apparaissent,
ciselées sous sa plume, plus vraies que nature. Les fictives et les
réelles.
elle
l'investit, se l'approprie, lui fait subir une refonte à caractèe
souvent poétique et Eva Almassy cite à l'appui des mots assez
éblouissants glanés auprès des petites filles de sa connaissance.