Au
musée Maillol, jusqu'au 4 juin 2007, une exposition déroutante
intitulée
Pascin, le magicien du réel
. Né en 1885,
juif américain d'origine bulgare, Pascin (pseudonyme de Julius Mordecai
Pincas) est resté toute sa vie un apatride. Il a passé ses années de
formation entre Vienne, Berlin, Budapest et Munich. Son errance
(géographique du moins) prend fin le soir de Noël 1905 : il arrive à
Paris où il rallie enfin un groupe, une "famille", celle des peintres
de Montmatre et Montparnasse.
Influencé
par l'expressionnisme viennois et le fauvisme, il développe néanmoins
un univers singulier et troublant. Pour vivre, il devient illustrateur
et son trait corrosif fait merveille, il croque des scènes satiriques
qui tirent toujours sur le scabreux, qui font la part belle à
l'inconvenance. Surtout, il excelle dans la saisie sur le vif, il
pratique un dessin et une peinture pulsionnels, il est dans
l'immédiateté, il prétend qu'une toile n'est jamais achevée et que
seuls l'intéressent le surgissement, l'instantané, quitte à produire
des toiles qui peuvent paraître bâclées mais qui restituent en réalité
le mouvement inarrêtable de la vie. L'espace, tel qu'il le représente,
est éclaté, il est à dimensions multiples. Pascin prend des libertés
étonnantes, jubilatoires avec tout ce qui est proportions, volumes,
perspectives.
Dans ses peintures, les femmes, les filles de joie, les filles partiellement ou très dénudées abondent. Mais, bien qu'il ait été un noceur notoire, un viveur patenté, bien qu'il ait mené une vie des plus dissolues et qu'il se soit proclamé disciple et même zélote de Dionysos, son érotisme n'est pas un érotisme joyeux. Toutes ces femmes nues, offertes ne content pas l'exubérance, l'allégresse mais distillent un sourd malaise. Ses toiles frottées jusqu'au flou, jusqu'à la transparence, sa prédilection pour les teintes verdâtres, brunâtres créent une atmosphère marécageuse, on croit s'enfoncer dans des sables mouvants et c'est l'angoisse qui domine. C'est que Pascin est demeuré, sa vie durant, un torturé, insatisfait de son travail et de son existence. Il se partageait entre sa femme (Hermine David) et sa maîtresse Lucy, mariée de son côté au peintre norvégien Per Krogh. A bout de ressources, il est contraint de s'engager auprès d'une prestigieuse galerie et de "faire du Pascin". Il singe sa manière dite "nacrée" et cette compromission l'achève. En 1930, à 45 ans, il s'ouvre les veines dans son atelier et comme la mort est trop lente à venir, il se pend.
BH
04/07