Claudine Doury aime les incursions en adolescence et les immersions en étrangeté. Une étrangeté, une exception qui mettent au jour des invariants. Les éternelles fragrances et fulgurances adolescentes qui fusent où qu'on aille et quel que soit l'apparent dépaysement, le vernis d'ailleurs qui déroute et égare d'abord.
Immiscée dans un camp de vacances ukrainien, anciennement stalinien et qui en garde les stigmates (port de l'uniforme, discipline très présente), Claudine Doury scrute et capte arabesques et chorégraphies adolescentes.
Et surgit et éclate, dans la lumière estivale, une forêt, une arborescence de jambes fines sommées de tutus, chaussées de ballerines, rompues aux pointes qui les sculptent. Ailleurs, un très jeune homme, pris de dos, s'inquiète de son frais et spectaculaire tatouage. Une lolita, voluptueusement alanguie sur sa couche pianiote sur son ordinatuer portable. Une autre, accoudée à la fenêtre, condense toute la mélancolie du monde et de cet âge aussi grave que frivole. Deux tendres complices se coudoyant, saisies de dos, saisissent justement par la gémellité de leur longue, ruisselante, torrentielle chevelure blonde.
Il y a aussi des jeux d'eau et certains s'approchent, précautionneusement, délicatement, toutes antennes vibrantes, d'autres se percutent, s'empoignent dans des étreintes sauvages.
Besoin de marquage, d'appartenance, besoin de se fondre et de se singulariser, d'aimer et de rejeter sans réserve... Tout est vu, tout est dit au travers de ces clichés.
On perçoit la qualité du lien que la photographe a tissé avec ces adolescents.
Un regard aigu, une oeuvre toute de grâce et de finesse.
BH 08/09