C'est
un film de genre qui emploie les codes requis pour mieux les
pulvériser. Il nous embarque sur des chemins de traverses et des voies
rapides qui bousculent les clichés. Fantaisie érotico-horrifique qui
emprunte à une tradition italienne, le film déploie, pour traiter les
poncifs du rituel initiatique et de l'éveil de la chair, des trésors
d'inventivité.
Le ton est incisif, les saillies et les clins d'oeil abondent. Jouant des ralentis et des brusques accélérations, des images étirées et des images syncopées, surfant au travers d'une esthétique chic et choc revisitée par l'auto-dérision, les deux auteurs nous proposent une drôle de balade au fil de trois âges successifs de leur héroïne. On est plongé dans des tribulations inconscientes, érotico-fantastiques et les fantasmes enfouis de la fillette puis de l'adolescente et enfin de la jeune femme sont projetés sur l'écran.
Simultanément
la petite fille est confrontée à la mort de son grand-père et elle
surprend ses parents en pleine scène primitive. La musique, grinçante
et planante, psychédélique ad hoc, vient parfaire une atmosphère qui
marie habilement la charge d'angoisse et la satire. Dans un second
volet, on retrouve l'héroïne devenue adolescente lolitéenne, tous sens
et charmes bourgeonnants dehors, physique provocant, mixte insolite
entre Béatrice Dalle et Laetitia Casta, lèvres ultracharnues et corps
de fusée. Cette grenade promène son
corps dégoupillé dans une robe
échancrée, sur une corniche à l'aplomb de la mer scintillante,
phosphorant sur le soleil, et en compagnie de sa mère, parangon de la
bourgeoise arrogante et chiquissime. Mais, dès que livrée à elle-même,
la gamine galvanique est entourée d'une nuée bourdonnante,
assourdissante, de motards qui l'acculent. Les motos vrombissent,
l'affolante môme frémit, peur et plaisir mêlés ...
Enfin, dernière section du film : la désormais jeune femme, toujours très estivale et déshabillée, livrée au souffle opportunément dévoilant de la brise, seule dans la maison vide de ses origines, se voit traquée par un homme ganté et cagoulé, se soumet et s'adonne à des pratiques délectablement terrifiques... Une fantaisie très stylisée, une variante réussie autour de l'éternel féminin aux prises avec Eros et Thanatos.
BH 03/10